lundi 7 mars 2016

Qu'on ne se méprenne pas...

Le révolver qui a servi à faire feu sur Rimbaud
Qu'on ne se méprenne pas...

Ce blog n'a pas pour vocation principale de dézinguer Arthur.
Il s'agit plutôt de moquer ceux qui croyant le servir brouillent son oeuvre.  
 Le Catholicisme au fil des siècles a permis à ses papes, ses cardinaux et à ses évêques de vivre dans l’opulence tout en vantant la pauvreté de Jésus. Et dire que les Franciscains, les plus fidèles héritiers du Christ dans leur mode de vie dépouillé, ont été soupçonnés d'hérésie et sont passés à deux doigts du bûcher quand ils remettaient en question la hiérarchie de L’Église et son goût scandaleux du luxe ! Ils ont dû mettre de l'eau dans leur vin de messe et ravaler leur charge contre le Vatican pour ne pas avoir à répondre devant le tribunal de l'Inquisition.

Pourquoi cette petite digression historique sur la religion ?

Parce que notre société est en mal de spiritualité et en recherche perpétuelle d'idole à adorer.

Rimbaud, Marilyn Monroe, Bob Marley, Ernesto Che Guevara, Elvis Presley, Jim Morrisson,
Michael Jackson sont des icônes profanes sur lesquelles des adorateurs se jettent pour en arracher les débris dans une cohue où chacun espère tirer le plus gros morceau. Ensuite, les adorateurs munis de leur pitance vont dénigrer le morceau du voisin. Chaque adorateur croit détenir la relique la plus authentique de son idole et moque les autres. Ils s'autoproclament spécialistes de leur sujet d'obsession. Ils croient l'aimer mais ce n'est ni plus ni moins qu'une phobie obsessionnelle. Un amour mêlé de haine et cette haine se déchaîne à l'endroit d'autres qui veulent approcher, toucher la relique, en chiper un morceau.
Distribuant les coups de bec, les éminents spécialistes singent les querelles de charognards...
C'est le repas des hyènes, gare à qui ose s'approcher!

Je ne vais pas m'étendre sur le cas des autres icônes que j'ai citées avec Rimbaud. Chacun sait le culte qu'ils ont suscité et suscitent encore sans doute parce qu'ils ont en commun d'être morts relativement jeunes. Rimbaud est un cas à part dans ce groupe, il est le seul qui n'ai pas profité de sa célébrité.
Par conséquent, sa notoriété posthume fait de lui un candidat parfait à toute sorte de récupération.

André Breton est le premier  à avoir associé Rimbaud à son mouvement littéraire et artistique, ayant reçu à titre de caution morale le soutien officiel d'Ernest Delahaye, l'ami de jeunesse de Rimbaud à Charleville.  Ensuite, les querelles vont commencer, selon les sensibilités parfois religieuses ou politiques ou bien les moeurs, Paul Claudel, André Gide, et bien d'autres revendiqueront leur Rimbaud.
Jusqu'à ces derniers mois, la polémique était vive. Même si nous sommes privés hélas de deux figures de la rimbaldomanie , Jean-Jacques Lefrère et Claude Jeancolas, décédés le premier en 2015 et le second en 2016, il y a encore des remous dans l'univers Rimbaud.

A propos d'univers, justement, il y  eu l'énorme controverse, menée à tort, et ce malgré tout le respect qu'on lui doit, par Claude Jeancolas, contre la photographie retrouvée par les libraires associés Jacques Desse et Alban Caussé.
Après un peu plus de deux années d'enquête minutieuse sous la direction de son confrère ennemi Jean-Jacques Lefrère, la photo a été authentifiée. Mais Claude Jeancolas n'en démordait pas. Il ne reconnaissait pas Rimbaud sur ce coin de table à Aden, à l'hôtel Univers en 1880..

Échange entendu au salon du Livre ancien entre deux grands libraires parisiens :
- Non. C'est pas Rimbaud. Regarde, il a une tête de con. J'y crois pas.
- Si c'était toi qui avais trouvé la photo, t'y croirais!

Tout est dit.

Un problème d'égo mal placé.
Déjà en 1999, Jean-Jacques Lefrère avait trouvé une photo inédite de Rimbaud à Aden. En la publiant dans un livre intitulé "Rimbaud à Aden" il commettait un crime de lèse-majesté à l'égard de celui qui s'était taillé jusque-là la part du lion; Jeancolas s'était attribué l'exclusivité de tout nouveau livre illustré paraissant sur Rimbaud. La vexation avait atteint un tel point que dans les publications ultérieures de Claude Jeancolas, les deux photographies associées à Lefrere n'ont jamais été incorporées.



Et puis il y a eu le cadeau de Noël 2015 !
Cette photographie a été publiée dans le Paris-Match du 26 décembre 2015. Son inventeur Carlos Leresche croît dur comme fer y reconnaître le regard bleu d'Arthur Rimbaud, sauf que son bonhomme a les yeux noirs.  L'autre problème est d'ordre chronologique et paradoxalement même un historien aussi exigeant Franck Ferrand qui signe un article dithyrambique  ne s'y arrête pas.

La photo n'a été pas pu être prise avant l'année 1884, date de l'ouverture du studio du photographe Alexandre Crillon. Or en 1884, Rimbaud est en Abyssinie depuis quatre ans et d'après ses autoportraits, il ressemble plutôt à ça :

Son habillement est couleur locale, pas du tout occidental.
S'il est vrai qu'Arthur Rimbaud est repassé par le Caire dans ses années-là pour y faire publier un article dans le Bosphore Egyptien, il n'a jamais remis les pieds en Europe avant  avril 1891 et y mourir en novembre à Marseille.
Alors il faut être d'une sacré mauvaise foi ou préparer une arnaque pour oser prétendre que le moustachu replet de la photo retrouvée dans l'album d'une mondaine de la Belle Epoque, Liane de Pougy, au milieu d'autres courtisans enamourés et fats d'orgueil bourgeois, ne fait qu'un avec Arthur Rimbaud.




Mais en dehors de Jacques Bienvenu dénonçant la supercherie, j'ai été étonné de ne point entendre les gardiens du temple Baronian, Borer, Brunel, Claude Jeancolas - qui pour sa décharge était souffrant -   vitupérer comme il se doit contre cette imposture. Peut-être que le silence poli était la meilleure arme pour tuer dans l'oeuf cette histoire. Si cette photographie devait réapparaître lors d'une vente aux enchères attendant sa consécration à défaut d'une légitimité par la sainte loi de l'offre et de la demande, nous verrions  je l'espère nos hussards rimbaldiens, tel Don Quichotte, charger contre les moulinets du commissaire priseur avant que ne s’abatte fatidiquement son marteau d'ivoire.


 Par ailleurs, nous apprenons par la ministre de l'Education Nationale que Rimbaud est un auteur homosexuel.
D'ici peu, histoire d'insister dans l'anachronisme sociétal, on finira même par dire qu'il était gay.
 La ministre  a pour louable intention de sensibiliser les jeunes sur la discrimination sexuelle et d'éradiquer  dès le plus jeune âge  l'homophobie chez les écoliers. Sauf que par cette métonymie consistant à prendre une partie pour un tout, elle commet une grave erreur. Rimbaud n'est absolument pas le bon exemple.

 Rien dans l'oeuvre du jeune prodige ardennais ne fait l'apologie de l'homosexualité. Que le poète ait été récupéré comme porte-drapeau arc-en-ciel pour les homosexuels était inévitable, ces derniers avaient déjà d'autres trophées accrochés dans leur galerie de célébrités à qui on prête fort généreusement des expériences homosexuelles, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Caravage...



Rimbaud à cause de son compagnonnage avec Verlaine était la victime idéale pour cet amalgame. Leur union a été totale, fusionnelle, et donc forcément, charnelle. Mais de là à réduire cet amour fou entre les deux poètes à l'aspect uniquement sexuel, il n' y avait qu' un pas et la ministre de l'Education Nationale l'a franchi. Car ce qui nous reste de Rimbaud et de sa période avec Verlaine se lit dans les poèmes de 1871 à 1873 et s'achève par l'oeuvre la plus emblématique : UNE SAISON EN ENFER. L'épisode faisant allusion à leur union les traite sous les personnages transposés de "La vierge folle" et "l'époux infernal", qui reste une transposition d'une relation hétérosexuelle (disons classique pour ne pas dire normale ) sous l'emprise comme Rimbaud l'avait voulu d'un "long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens".
Ni dans ses lettres, ni dans ses poèmes, Rimbaud ne traite de sa liaison avec Verlaine sous l'angle de l'homosexualité, il en est de même du côté de Verlaine, bien que ce dernier, a eu d'autres liaisons après Rimbaud avec de jeunes hommes, tels l'ardennais (!)  Lucien Letinois. Mais Verlaine cherchait encore dans ce type de relation le spectre de Rimbaud. Verlaine divorcé a fini sa vie entre deux femmes de petite vertu, signe que de son côté, les choses n'étaient pas clairement définies.

On sait que Rimbaud a voyagé avec Germain Nouveau mais de là à prétendre qu'il se soit passé autre chose qu'une amitié littéraire, c'est une tentation bien vite assouvie par ceux qui ne s'intéressent qu'au trou de la serrure. Rimbaud a essayé la vie maritale en Afrique, sans succès. Dans une de ses lettres, il parle de son désir de se marier, d'avoir un fils. Il demande à sa mère de lui trouver un bon parti.

Traiter de l'homosexualité de Rimbaud pour comprendre son oeuvre revient au même que de faire lire la dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Moquet car c'est la seule où il ne parle pas de son engagement politique, il n'y fait que des adieux émouvants à sa maman comme n'importe lequel condamné peut les écrire dans un tel contexte.

Encore une fois, nos gouvernants sont à côté de la plaque (commémorative), ils veulent faire croire qu'ils maîtrisent le sujet et le desservent.


C'est à propos que je citerai Cocteau ( Les mariés de la Tour Eiffel)  : 

"Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur"



Concernant Arthur Rimbaud, le seul débat qui vaille la peine de s'affronter est celui où il est réellement question de son œuvre. 

Dans ce blog, je ne me moquerai jamais des rimbaldiens qui font avancer la recherche sur la poésie de Rimbaud.  Ils ont mon estime et mon respect.

Les bavards inutiles seront mes cibles...


Alcide Bava







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire